Le mouton ardennais roux connaît un engouement remarquable. Bien que classée parmi les races qualifiées de menacées, elle est actuellement à l’AWEOC (association wallonne des éleveurs d’ovins et caprins) la 2e en importance (après le Texel), tant au niveau de la taille du cheptel wallon inscrit au livre généalogique qu’au niveau du nombre d’éleveurs.
Rien qu’en Wallonie, presque une centaine d’éleveurs cotisants en détiennent environ 2.000 en pure race.
Outre la prime non négligeable de 30 € par mouton et par an offerte par la Région Wallonne à l’éleveur professionnel, sa rusticité et sa facilité d’élevage en font un mouton privilégié par l’amateur qui ne néglige pas non plus son aspect esthétique. Dressons un tableau sommaire du mouton ardennais roux, une race locale réputée depuis des siècles.
Historique
Le mouton ardennais peuplait les troupeaux du Sud de la Meuse, des Ardennes françaises et de l’Eiffel allemand. Sa population a régressé au fur et à mesure de la plantation progressive d’épicéas, surtout au XIXe siècle. Il a disparu totalement de l’Ardenne fin des années 50. Quelques exemplaires ont heureusement été sauvegardés en Flandre, où ils portent le nom de « Ardense Voskop ».
Par excellence, ce « mouton Ardennais » fait partie intégrante de notre patrimoine vivant.
Un grand nombre de peintures et de textes fort anciens en sont les preuves irréfutables.
C’est probablement sur les tableaux du peintre belge Eugène-Joseph Verboeckhoven que nous le retrouvons le plus souvent. Ce peintre animalier vécut de 1799 à 1881 (ce n’était donc pas hier) et le représentait à cette époque exactement comme nous pouvons encore le voir aujourd’hui.
De même, au cours des siècles, la « littérature » ancienne vantait déjà à l’étranger la qualité exceptionnelle de la viande de notre mouton ardennais.
À ce sujet, Staf Van den Bergh, secrétaire du SLE (Steunpunt Levend Erfgoed), responsable du groupe de travail ovin au sein de cette association et lui-même éleveur d’ « Ardense Voskop », a fait un travail de bénédictin pour réunir une quantité invraisemblable de textes anciens. Grâce à ses recherches, je vous livre ce qu’en disait au 18ième siècle Dom Nicolas Spirlet (dernier seigneur-abbé de Saint Hubert) :
« Le roy de France aime extrêmement le mouton d’Ardenne » (lettre du 11/09/1765)
« Le mouton fait la richesse de l’Ardenne » (lettre du 14/06/1777)
« Mon cher Prieur, quand j’ai dit qu’on concerveroit le troupeau de Gemelle, ce n’est pas pour faire passer ici à Versailles les moutons en vie, mais pour les faire tuer à Bouillon et les envoier ici par la poste de Sedan pour le Service de la famille Roiale. Vous le direz à Dom Chrysostome d’en envoier 25 des meilleurs, en vie bien entendu, à Dom Basile à Bouillon qui recevra mes instructions pour les faire passer ici. Il enverra la même quantité à chaque quinzaine. Il peut compter qu’ils lui seront bien payés. Mais il faut avoir l’intention de lui envoier les meilleurs. Le Roy aime extrêmement le mouton d’Ardenne et si ceux que nous enverrons sont goutés, cela peut faire grand bien. » (lettre du 16/09/1765)
Et qu’ajouter de plus pour mettre en évidence la finesse de la viande que ce qu’en disait Julien Deby en 1848 dans son livre « Histoire Naturelle de la Belgique » :
« Nous indiquerons les races qui nous semblent avoir le plus de chances pour s’étendre et se propager en Belgique. Il y a d’abord nos excellents moutons des Ardennes, dont les restaurateurs de Paris vendent souvent la chair pour du chevreuil… »
Description
L’agneau ardennais naît complètement roux et ce n’est que vers l’âge de trois mois qu’une laine beige clair recouvre son corps. La tête et les pattes restent de couleur rousse. Le mouton adulte est de taille moyenne, autour de 70cm au garrot, pour un poids d’environ 55kg chez les brebis et 80kg chez les béliers. Ces derniers portent parfois des cornes et présentent souvent une crinière de poils roux. La queue est longue et recouverte de laine.
C’est un mouton vif et méfiant qu’il convient d’amadouer par des visites régulières avec un petit complément alimentaire (céréales, granulés,…) si on veut éviter des courses poursuites effrénées lors des changements de parcelles, de la tonte annuelle ou de l’entretien des ongles.
Intérêt écologique : pourquoi les Amis de la Terre soutiennent cette race ?
L’Ardennais roux est un mouton fin, vif, très méfiant. Il est peu exigeant pour se nourrir. Très résistant aux parasites et aux maladies, il peut satisfaire les « éleveurs » trop occupés. De plus, il est bien adapté aux conditions climatiques difficiles.
Vous l’aurez compris, notre ardennais n’a pas subi la sélection des autres races qui sont élevées aujourd’hui. Il convient donc particulièrement bien à l’entretien et à la valorisation des terrains pauvres dont il s’accommode volontiers. Notons aussi que si l’animal broute les herbes, il apprécie également les orties, les ronces et les feuillages. Gare aux écorces tendres des jeunes arbres non protégés.
Au niveau élevage, sa conformation est telle que les mises-bas se déroulent la plupart du temps sans soucis et ne nécessitent pas de surveillance. Pour l’amateur, nous rappelons que les agneaux en bas âge peuvent être la proie du renard. Il convient donc de les rentrer pour la nuit les quinze premiers jours de leur vie, histoire qu’ils aient atteint une taille suffisante.
Notre ardennais est donc la race idéale à développer pour un élevage amateur familial orienté vers une autonomie alimentaire et la permaculture ; bref, un outil de transition tout comme la poule de Herve.
Production et reproduction
Les agnelles mettent bas dès la première année et donnent un seul jeune dans la plupart des cas. Si on prend le temps de laisser grandir les agnelles pour en faire des antenaises, on obtient souvent des portées doubles, tout comme pour les adultes. La prolificité moyenne est de 1,5.
Les agneaux atteignent un bon rendement en boucherie et donnent une viande maigre d’excellente qualité et d’un goût exceptionnel.
La brebis ardennaise agnelle sans difficulté sur une période de janvier à avril (même en désaisonnement). Elle est de bonne qualité laitière et transmet ainsi un taux de croissance très performant dans le premier mois de lactation.
Comment se lancer ?
Voici quelques recommandations qui vous éviteront bien des déboires :
- 1) Où acheter mes premiers ardennais ?
Visiter un élevage d’ardennais roux existant. Des Amis de la Terre, éleveurs d’ardennais se feront un plaisir de vous faire partager leur expérience et leur enthousiasme. Rappelez-vous qu’un mouton, ardennais ou non, est un animal grégaire qui a besoin d’au moins un congénère. Enfin, n’achetez jamais de mouton à un marchand, mais passez par un éleveur.
- 2) Combien de moutons pour mon terrain ?
Comptez une « charge » de +/- 10 brebis à l’ha (1 brebis /+/-1.000m2). On entend par une brebis une femelle destinée à être suivie d’1 ou 2 jeunes au printemps et en été. Dans ce calcul, il ne faut ni compter les agneaux à naître ni le mâle. Le nombre d’animaux peut être plus élevé si on ne récolte pas son propre foin pour la période hivernale dans le parcours moutons et/ou si on dispose d’une prairie riche (style plateau de Herve). Par contre, si on ne dispose que d’un terrain spécialement pauvre (style Fagnes ou fonds de bois), le nombre sera revu à la baisse. Notons au passage que ce type de milieu convient très bien à cette race de mouton très peu exigeante.
- 3) Comment alimenter mes animaux ?
Nourrissez-les essentiellement à l’herbe (même avec orties et chardons). L’hiver, du foin viendra compléter le pâturage. Il n’est pas nécessaire de « complémenter » la ration avec des floconnés ou granulés. Leur usage peut cependant s’avérer utile pour un peu « gâter » une mère qui aurait des jeunes avant la pousse de l’herbe au printemps ou pour rendre vos animaux plus familiers.
- 4) Faut-il une bergerie ?
L’ardennais est très rustique : un simple abri suffit et une « belle » bergerie n’est pas nécessaire. Le minimum indispensable est un endroit sec et à l’abri du vent où vos animaux pourront s’abriter des intempéries, particulièrement en hiver et au moment des mises-bas.
- 5) Quels soins apporter ? (voir aussi le document sur le parasitisme ovin
Les moutons, tout comme les autres herbivores, se contaminent en verminoses via la pâture. Le fait que les prairies soient souvent utilisées plusieurs années de suite pour faire paître les mêmes animaux accentue le phénomène. L’idéal serait d’alterner vaches, moutons, chevaux, …, et laisser un temps de repos (supérieur à 40 jours, ce qui correspond à la durée d’un cycle chez la plupart des parasites), mais cela reste difficile dans la pratique. Aussi, il faudra recourir à l’usage de vermifuges, même s’il faut aussi éviter d’en abuser. Idéalement, on vermifuge au minimum une fois l’année, au printemps, au moment de la tonte. Tant que faire ce peut, on change de molécule chaque année pour éviter une résistance des parasites à éliminer. Il est parfois nécessaire de vermifuger en cours de saison si des symptômes comme des diarrhées apparaissent, surtout chez les agneaux.
On peut résumer les principes d’un bon suivi vermifuge comme suit :
– traiter tous les animaux d’un même lot en même temps pour éviter les recontaminations
– traiter les brebis avant la mise bas pour éviter le « peri-parturient-rise » (baisse de l’immunité qui permet une flambée parasitiaire dans les semaines qui suivent le part)
– traiter et isoler pendant au moins 24h tout nouvel animal introduit dans un lot
– ne jamais sous doser, se baser sur le poids de l’animal le plus lourd du lot pour calculer la dose à administrer
– bien nettoyer l’abri une fois par an… eau chaude additionnée d’ammoniaque à 5-10 % en ce qui concerne la coccidiose.
N’hésitez pas à vous regrouper avec d’autres petits éleveurs pour éviter de dépasser les dates de péremptions des produits vétérinaires qui peuvent coûter chers mais que l’on peut très bien administrer soi-même.
Pour information, certains vermifuges sont à base d’Ivermectine, une molécule qui détruit les bousiers et autres insectes dont se nourrissent les chauves-souris et qui est très rémanente dans le sol. On évitera donc autant que possible ces produits nocifs pour l’environnement.Tonte :
La laine de vos animaux doit être tondue annuellement. Classiquement, le travail a lieu fin avril, début mai. Renseignez-vous auprès des éleveurs de votre coin pour contacter un tondeur, métier non-officiel que pratiquent encore quelques motivés.
Les ongles :
On taille les ongles au minimum une fois l’année. Si vous ne vous sentez pas apte à le faire vous-même, profitez du passage du tondeur qui s’en chargera.
- 6) La loi et les déclarations officielles :
Le mouton fait partie intégrante de la chaîne alimentaire. Une fois constitué, votre élevage, si petit soit-il, doit être renseigné à l’ARSIA (agence régionale de santé et d’identification animale) et à l’AFSCA (agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire). Tout mouton de plus de 6 mois (ou dès qu’il quitte l’élevage où il est né) doit être « bouclé » (boucle d’oreille reprenant un n° et un code barre qui es l’équivalent de la carte d’identité et qui devra suivre le mouton toute sa vie). C’est à l’ARSIA que vous pourrez commander vos boucles et la pince nécessaire pour les placer : http://www.arsia.be
Sachez seulement que vous aurez les mêmes frais de cotisation à ces agences de bureaucrates, grâce auxquelles nous mangeons sainement bien sûr, pour un mouton ou pour une centaine ! Le système n’est pas mis en place pour les petits, merci l’agro-capitalisme 😉En résumé, les conseils donnés pour les ardennais roux, c’est un peu comme pour nous :
– manger bio
– pas besoin d’habiter une grosse villa
– les médicaments sont bien sûr utiles mais il ne faut pas en abuser, qu’ils soient antibiotiques ou vermifuges
– la carte d’identité est indispensable
- 7) Abattage (voir aussi le document sur l’abattage usage privé)
La finalité de l’élevage reste la casserole. Et vu les qualités gustatives et alimentaires des ardennais élevés dans un élevage familial dans les conditions extensives que nous prônons, il serait idiot de s’en priver. Aucun rayon de boucherie ne pourra vous servir une viande d’une telle qualité.
Les jeunes de l’année sont consommés comme agneaux et chaque morceau peut-être accommodé au choix selon les goûts. Par contre, il vaut mieux transformer les animaux adultes en merguez car la viande devient plus forte et coriace avec l’âge.Pour les modalités légales de l’abattage, se référer au document annexe : « abattage usage privé ». Notons que dans certaines circonstances la loi permet que l’on égorge les animaux sans étourdissement. Cette méthode barbare nous semble peu respectueuse des bêtes que l’on aura élevées et qui méritent un minimum de respect.
- 8) Eleveurs Amis de la Terre pour vous aider (par ordre d’importance de troupeau)
Pierre-Yves Delhez – Rue froidbermont, 53 – 4877 Olne – Tél : 0476/42 21 28
pyd[at]outlook.be
Didier Brick – Rue Mitoyenne, 12 – 4630 Ayeneux – brickdidier[at]gmail.com
- 9) Devenir membre d’une association ?
Si vous souhaitez participer au schéma de sélection de la race et inscrire vos animaux au livre généalogique ou encore obtenir la liste des éleveurs reconnus en Wallonie :
L’Association Wallonne des Eleveurs d’Ovins et de Caprins (AWEOC)
Siège social : rue des Champs Elysées, 4 à 5590 CINEY
Secrétariat administratif : Rue de la Clef, 41 à 4650 HERVE – Tél. : 087/56.14.90 – www.aweoc.be
Les éleveurs sont aussi regroupés dans une fédération interprofessionnelle :
Fédération Interprofessionnelle Caprine et Ovine Wallonne (FICOW)
Siège : Chaussée de Namur, 47 à 5030 GEMBLOUX
Tél. : 081/62.74.47 – Courriel : ficow[at]ficow.be – www.ficow.be
Documents joints
Crédit photo : Moutons dans leur bergerie : peinture d'Eugène-Joseph Verboeckhoven, 1857