Dans sa vie d’avant, Nina était assistante sociale jusqu’à ce qu’elle fasse un burn-out il y a 5 ans et demi. Depuis, elle a changé de vie. Elle anime des ateliers de travail qui relie et suit une formation pour devenir coach, car elle souhaite pouvoir combiner ateliers et proposer des pratiques individuelles. C’est cette transition vers une vie plus simple, en connexion avec la nature et dans le respect des autres et de l’environnement qui nous intéresse.
Après avoir découvert dans le podcast « L’instant papillon » le témoignage de Sandrine, qui a créé la communauté « Libellune » ainsi que celui de Nina qui l’a rejoint en cours de route, nous sommes parties à leur rencontre. Nous avons rencontré Nina, 41 ans, et avec son fils de 9 ans, ils vivent depuis 1 an et demi dans cette communauté de femmes.
Libellune est un lieu de vie, de soin et de partage! Inspirées de la permaculture, nous souhaitons tisser du lien pour faire face aux nombreux défis de notre société et expérimenter hors des sentiers battus.
Page Facebook de Libellune
Pourquoi as-tu fait le choix de vivre dans la communauté Libellune ? Et quelle a été ta porte d’entrée vers la transition ?
« Quand je me suis séparée du papa de mon fils, il y a maintenant 3 ans, j’étais à la mutuelle en difficulté financière pour trouver un logement. J’ai cherché pour trouver un appartement, un studio et c’était hyper cher. À Bruxelles ce n’était pas mieux. Assez vite s’est imposée à moi l’idée de créer une colocation avec une autre maman, en me disant si on est deux chacune avec un enfant, on trouve une maison 4 chambres. Finalement, ça revenait au même financièrement, je n’avais pas les moyens. Je n’étais pas capable de payer les charges donc ça ne réglait pas le problème. Je ne trouvais pas de logement avec un loyer suffisamment accessible. De plus, j’avais vraiment le souhait de ne pas vivre seule. Très vite ce qui s’est imposé à moi, c’est que je ne m’imaginais pas vivre dans un petit studio près de la gare alors que moi j’ai juste envie d’être dans la nature. Puis, je discutais avec une femme sur Facebook qui me disait que deux chambres allaient se libérer dans sa colocation et je vois que c’est une femme du même âge que moi donc c’était déjà assez exceptionnel une colocation avec des personnes plus âgées, c’était une colocation mixte. Donc on est restés là pendant 1 an et demi, après la maison était mise en vente donc il fallait quitter les lieux. Mon fils m’avait dit que c’était chouette une colocation avec pleins de gens mais qu’il aimerait bien une coloc avec des enfants car il s’embête un peu.
Peu de temps après ça, une amie a vu l’annonce des Libellunes et elle était faite pour moi. Il était mis : « Cherche maman solo avec un enfant pour chouette coloc pour femmes en transition ». Ce qui m’a motivé c’est que c’est un habitat entre femmes donc ça me parlait à fond. J’avais déjà fait des ateliers spécifiquement entre femmes et je trouve que c’est très « empuissançant ». C’est une vie que je trouve intéressante, il y a moins d’enjeux typiquement qu’on peut rencontrer dans un groupe où c’est mixte. Et puis en tant que maman avec un enfant, c’est plus confortable de se dire qu’il y a une autre maman, elle avait 2 enfants au départ. Ça fait vraiment tribu c’est super chouette.
Le côté financier c’est ma porte d’entrée vers un choix de colocation. Celle vers la transition a commencé avec un réel problème de sens dans notre société tant au niveau de ma vie professionnelle que face à l’état du monde. Le fait de vivre en communauté avec des femmes, de partager des moments, d’avoir des moments rituels, etc. C’était l’occasion de mettre en œuvre dans mon quotidien ce que j’ai découvert ces 5 dernières années avec le travail qui relie et l’écoféminisme. »
Peux-tu présenter la communauté ?
« Les Libellunes c’est le nom donné à une communauté de femmes en transition (de vie, professionnelle, …) aux alentours de Bruxelles. Il y a deux mamans avec chacune un enfant (une fille de 6 ans et un garçon de 9 ans) et 2 femmes « solo ». Chacun.e à sa chambre et sa salle de bain. Le reste de la maison et le jardin est commun. Il y a une charte de vie qui définit leur fonctionnement.
C’est une maison de femmes mais les hommes sont les bienvenus ! Plusieurs des femmes sont en couple et les compagnons viennent régulièrement.
Nous sommes :
- Nina, 41 ans, et son fils Léon (en garde alternée), écoféministe et facilitatrice d’atelier de reliance à la nature. Elle adore bricoler et partager.
- Son fils, Léon, 9 ans. Sensible et passionné. Fan de Lego, de mangas et de vélo. Il adorera vous emmener dans son univers.
- Katrin, 42 ans, femme connectée à la nature, elle est heureuse dès qu’elle est au jardin. Elle est accompagnée de son chat, Wilda, charmante avec les humains mais féroce avec les autres chats et chiens… Elle aime chanter, jouer de la guitare. Toute en délicatesse, elle crée de jolis bijoux.
- Maëlle, 36 ans, avec sa fille Anoucha (en garde alternée). Tout en douceur, elles s’offrent cette transition de la ville vers la campagne. Maëlle aime beaucoup bricoler et cuisiner. Elle souhaite mettre les mains dans la terre et voir ce qui peut en sortir.
- Anoucha, 6 ans, adore rire, expérimenter, faire des omelettes, faire plaisir, découvrir, et les animaux. Elle est très sociable, attachante et parle volontiers.
D’autre part nous avons la chance d’avoir notre propriétaire comme voisine. Son jardin, à côté du nôtre et auquel nous avons accès, est un écrin d’abondance. Il s’y déroule énormément de choses : des stages, des formations, des cours…
Nos valeurs de base :
- Plaisir de vivre au contact avec les enfants
- Femme en transition (écologique, de vie, profession, …)
- Aimer jardiner (point essentiel, le jardin en a besoin !)
- Prise d’initiatives au bénéfice du collectif !
- Consommation raisonnée et consciente, avec une empreinte écologique légère
- Respect et bienveillance envers les autres habitants de la maison. Vive la communication non-violente et les accords toltèques !
- Chacune à ses talents et ses compétences… Respect des complémentarités. Les différences sont des richesses.
- Appréciant la vie en communauté : se faire un film ensemble le soir, jardiner, cuisiner ensemble…»
Pourquoi avoir fait ce choix de ne vivre qu’entre femmes ?
« Ce n’est pas moi qui l’aie initié mais je pense que si je l’avais fait, j’aurais fait la même chose. Il y a quelque chose de l’ordre de la reconstruction, c’est quasiment une communauté thérapeutique. On se remet, en tant que maman, sortant d’un couple classique et où on a clairement été dans des jeux de dominations. Moi ça me permettait d’équilibrer clairement les choses. C’était vraiment sortir de ça pour pouvoir se reconstruire et avoir un rapport plus égalitaire. J’ai l’impression que j’avais besoin d’une période de pause pour me retrouver moi en tant que femme, pour retrouver mes valeurs, les choses qui sont importantes pour moi. Je trouve que ça a vraiment du sens. D’autant que c’est une maison pour femmes en transition, et être en transition c’est aussi en rapport à ces rapports de domination clairement. Je dirais que sur les quatre on est au moins trois à avoir des enjeux à ce niveau-là. À la suite d’une séparation, d’avoir envie de vivre autrement et se dire qu’après on pourra exporter ça. Si demain je décide de vivre éventuellement dans une vie de couple, le fait d’avoir vécu ici une vie autrement, plus égalitaire, ça va me permettre d’avoir des bases beaucoup plus stables par la suite. C’est une sorte d’apprentissage aussi quelque part. »
Est-ce que tu connais le concept de la simplicité volontaire ? Si oui, est-ce que vous le mettez en pratique ici dans la communauté ?
« Sans le nommer comme ça, oui en effet. On a clairement ralenti. Il n’y en a aucune de nous qui travaille à temps plein. On passe beaucoup de temps à la maison, au jardin. On a complètement ralenti au point que ça devient compliqué pour moi de revivre d’une autre manière. Donc je suis vraiment en questionnement par rapport à mon avenir professionnel parce que je me dis « Bosser 38 heures par semaine, plus jamais ! ». Je me suis épuisée entre autres à cause de ça. Je me suis vraiment fait violence. En fait, je me sentais obligée de continuer à travailler pour pouvoir répondre à mon niveau de vie et quand je me suis séparée et que j’ai eu mon burn-out je me suis dit : « mais ce truc n’a aucun sens en fait, c’est l’inverse qu’il faut faire ». J’avais créé des besoins en fonction du salaire que j’avais. Mais j’avais mal calculé mon coup et finalement je ne m’y retrouvais pas. Donc il fallait que je change ma manière de vivre. Mon rapport à l’argent a aussi changé : de combien ai-je besoin pour vivre au minimum, pour me nourrir, faire des choses que j’ai à faire et je vais essayer de travailler en fonction de ça. Ça c’est mon idéal en tout cas.
Par rapport au fait de consommer, mieux et moins, clairement, on tend vers ça. Alors après, je crois que s’il n’y avait pas d’enfants on arriverait à le faire encore plus, car ça joue quand même sur notre manière de consommer, sur les choses qu’on achète. Mais on tend à avoir une consommation raisonnée, avec le moins de déchets possible. On essaie de s’améliorer vers ça.
Ensuite, le fait de retisser des liens, pour le coup on est à fond dedans. Il y a vraiment quelque chose de l’ordre du thérapeutique ici, parce qu’on est toutes à des niveaux différents de notre avancée personnelle. On s’est toutes crashées à un moment donné et on tente de reconstruire qui on a envie d’être. Le fait d’être chacune à notre niveau, on s’influence positivement tout le temps. On se nourrit tout le temps, c’est hyper important. On se soutient aussi très fort. Le fait de vivre entre femmes avec un projet de communauté fait que dès que quelqu’un a un souci on est hyper solidaires. Il y a vraiment cette solidarité inhérente au fait d’être des femmes dans ce monde-ci.
Mon rapport à la nature est beaucoup plus puissant parce qu’il y a un jardin tout autour et qu’on a un petit bois derrière. J’ai vue de ma chambre sur ce petit bois. Et je me rends compte que je passe beaucoup de temps à regarder par la fenêtre et à être à l’écoute des oiseaux. Je suis très connectée avec les oiseaux depuis 2 ans. Depuis que je vis ici en fait. C’est un peu ma télé. J’ai vue sur le bois, sur les oiseaux, les écureuils et tout ce qu’il se passe autour. Le fait d’être entourée de nature, c’est vraiment hyper ressourçant. Le fait d’aider à travailler en permaculture au jardin, le fait de mettre les mains dans la terre, ça me fait du bien. Ça me décharge et me recharge.
Dans leur reconnexion à la nature, je pense que beaucoup de gens y arrivent par la permaculture. Et ils se rendent compte qu’il y a vraiment un lien, qu’on est nature nous et qu’en fait on l’oublie. Moi-même, j’avais oublié que j’étais naturelle, j’avais l’impression d’être un truc déconnecté, une sorte d’ordinateur. Je pense qu’avec mon burn-out et mon espèce de « survie », j’ai perdu tout rapport naturel, à mon corps, à mes besoins, à la nature. Alors que c’était présent quand j’étais enfant et adolescente. Ici c’est gai de pouvoir manger ses légumes et ses fruits et de voir à quel point la nature est luxuriante quand on en prend soin.
La solidarité et la communauté ce sont des valeurs qui me sont vraiment chères, qui naturellement étaient très présentes chez moi. Mais que j’avais complètement mises de côté. Il vaut mieux être regroupé plutôt que d’être tout seul, surtout en tant que maman solo. J’ai l’impression que l’action que je fais sur moi, dans mon habitat, avec mes colocataires, dans les ateliers que je propose, c’est déjà agir pour un monde meilleur demain. »