Réflexion d’un membre sur la prolongation du nucléaire

L'un de nos membres nous partage ses pensées et sa vision suite au nouveau rebondissement concernant la sortie du nucléaire en Belgique, dans le cadre d'échanges avec une journaliste.

Vous m’interrogez sur ma position au sujet de la loi de fermeture de toutes les centrales en 2025 puis de la contre-loi de la prolongation des réacteurs de Doel4 et Tihange3 sur chacun de ces sites. Effectivement, ces tergiversations gouvernementales de quelques ministres qui prennent des décisions aussi importantes en levant le doigt pour décider en fonction de la direction du vent, me paraissent bien légères au vu de la gravité de la question.
Les réponses apportées au défi de l’approvisionnement énergétique, nous posent bien des questions.
Ainsi, lorsque le président du MR voudrait que les travaux soient rapides et se fassent sans arrêter les réacteurs Doel4 et Tihange3. C’est comme vouloir continuer à rouler en voiture pendant que le garagiste procède à l’entretien du moteur. Les conseillers de certains partis ne semblent pas très éclairés, fait-on remarquer à Fin du nucléaire.

Madame la Ministre Tinne Van der Straeten déclare qu’elle ne négociera pas avec Engie en étant acculée mais les travaux de rénovation et de sécurisation des deux réacteurs se chiffrera en milliards. Elle invoque qu’elle dispose de CRM (d’un Mécanisme de Rémunération de Capacité) pour le gaz. Cela laisse-t-il entendre que le nucléaire ne s’imposait pas ? Dans ce cas, la loi de rétro-pédalage nucléaire n’est-elle qu’un caprice des libéraux peu éclairés en la matière, comme déjà évoqué ci-dessus ?
Les provisions de démantèlement des cadavres nucléaires sont insuffisantes.? Nous comptons bien qu’ on n’aille pas y puiser pour financer les prolongations. ?

La prolongation des deux dernières centrales nécessiteront des travaux importants et longs, qui devront encore être agréés. Cela suppose une mise à l’arrêt. Quand ? S’il était vrai que ces centrales sont indispensables, comment assurer l’approvisionnement électrique ? Par les centrales au gaz ? Mais alors, revient la question de l’absolue nécessité de cette prolongation.
La Ministre Tinne Van der Straeten déclare s’appuyer sur le CRM pour assurer l’approvisionnement électrique. Mais ce CRM – elle s’appuie donc sur le gaz – a été approuvé par l’Europe au vu de circonstances définies. Ce CRM est-il encore approuvé lorsque les circonstances ont bien changé ?

La prolongation du nucléaire s’est aussi faite sous la pression du conflit russo-ukrainien. Cela nous paraît aussi très léger. D’une part, 25% du combustible des centrales vient justement de Russie. D’autre part, prolonger ces deux réacteurs n’est-il pas se jeter dans la gueule du loup en ces temps incertains ? Ces centrales de Doel et Tihange sont un objet privilégié de vulnérabilité et de chantage. Est-ce une bonne manière d’assurer notre Liberté que de se mettre un pistolet sur la tempe ? La roulette russe, ce n’est pas mon affaire.

La prolongation de deux réacteurs nécessitera une enquête d’impact environnemental dans un rayon de 1000 km. Combien de temps prendra cette enquête ? Si les militants belges sont restés, tant qu’à présent dans la sidération tant ils ont été surpris par le revirement politique de ceux qui se disent écologiques, déjà les militants allemands s’inquiètent : l’enquête sera-t-elle purement consultative ?
Il paraît requis de rappeler et rappeler toujours que la meilleure manière de stabiliser le prix de l’énergie est de lever notre dépendance à cette énergie. Il faut économiser l’énergie, isoler nos maisons, généraliser les énergies renouvelables et locale. Je dois vivre dans mon environnement proche. Si le citoyen occidental dispose de « 200 esclaves énergétiques », il doit les affranchir et s’en affranchir.

Monsieur le Ministre Gilkinet déclare : « … Engie devra se débrouiller pour que Doel 4 et Tihange 3 n’empêchent pas les énergies renouvelables de produire. C’est un nouveau paradigme … » De belles paroles qui ne convainquent pas. Engie est d’abord une société anonyme, financière et elle n’a que faire des nouveaux paradigmes écologistes. Certains disent que l’énergie nucléaire est « pilotable », c’est à dire facilement ajustable à la demande. Bien, prenons cette déclaration au mot et décrétons que le renouvelable sera désormais prioritaire et devra s’ajuster à la production renouvelable. L’Allemagne l’a décrété depuis longtemps. Une déclaration d’un ministre face à la réalité d’Engie parait un peu légère.

Si la préoccupation première s’inscrit dans le cadre du dérèglement climatique On constate que la question climatique est intimement liée à la question économique. Ainsi, pour stabiliser le prix de l’énergie la réponse est identique lorsque se pose la question de la stabilisation climatique : il faut s’affranchir de nos « 200 esclaves énergétiques ». Et le nucléaire n’est peut-être pas la bonne réponse. C’est une question de choix politique pour chaque citoyen. Dois-je continuer sur les mêmes rails qui nous conduisent dans le mur climatique ou vais-je opter pour l’humble sobriété énergétique ?

À mes yeux, le choix du nucléaire reste le choix d’une liberté avec un pistolet sur la tempe. Ce n’est pas ma conception de la liberté. J’espère que nous ne connaîtrons pas de drames énergétique mais si les circonstances devaient devenir dramatique tant au niveau géopolitique qu’au niveau climatique, je préfère devoir me chauffer modestement au bois glaner que de devoir quitter mon pays irradié comme c’est le cas de certaines populations près de Tchernobyl ou de Fukushima.

Permettez-moi de rappeler que la terre n’a pu développer la vie que lorsque la radiation s’est calmée. La pollution nucléaire nous fait faire une marche arrière imbécile. La France a pollué les mers, et maintenant impose à Bure que la population absorbe la pollution jusque dans son sol.

J’espère que mon positionnement vous aura éclairé et vous accompagnera dans votre réflexion. Je voudrais remercier ici mes amis qui m’aide à réfléchir un peu et à garder la tête froide à propos de ces questions délicates. Merci aux Amis de la Terre, merci à Fin du Nucléaire.

Benoît Dupret