Confinement & surveillance numérique

Depuis le 18 mars, la Belgique est en confinement. Une situation sans précédent qui a mis en exergue les inégalités structurelles au sein de la population, là où certain·es ont la chance d’avoir un jardin, une famille et un savoir-faire pour occuper pleinement leur temps libre, d’autres se retrouvent enfermé·es, tantôt agglutiné·es tantôt isolé·es, dans des petits appartements sans accès à l’extérieur. La différence entre vie aisée et vie précaire n’est pas la seule constatation facilitée par le confinement. Pensons par exemple à notre économie dont l’irrationalité fait qu’elle ne peut survivre dans un monde où une grande partie de la population ne consomme plus que l’essentiel, ou encore à la nécessité de financer et promouvoir le service public pour le sortir des logiques libérales ravageuses. Mais une autre réalité plus sournoise a également pointé le bout de son nez : la surveillance en ligne.

Avec la hausse légitime des pratiques numériques, un logiciel a soudainement connu une grande notoriété : Zoom. Il s’agit d’une société américaine de services de téléconférence basée en Californie. Si elle a connu dans un premier temps un succès immense pour son aspect intuitif et sa qualité d’appel (passage de 10 à 200 millions d’utilisateur.rices et une capitalisation boursière deux fois plus élevée que Twitter), la plateforme fait face aujourd’hui à de nombreuses accusations sur ses pratiques de collectes de données et sur la possibilité pour les employeurs de surveiller les travailleur·euses à distance. Effectivement, Zoom a un « indicateur d’attention » qui permet d’indiquer quand un·e utilisateur·rice passe sur une autre fenêtre. Si cela peut paraître justifié pour la prévention contre la triche dans le milieu scolaire, on peut facilement comprendre que cette raison n’est qu’une piètre excuse pour que ce logiciel soit prisé par les entreprises soucieuses de surveiller les faits et gestes de leurs employé·es. Notons d’ailleurs que la surveillance des élèves n’est pas plus acceptable que celle des employé·es, surtout quand cela se fait par le biais de logiciels irrespectueux de la vie privée. Il serait donc préférable d’évaluer, si l’évaluation est pertinente, par la réflexion et non pas par la mémorisation qui a fait son temps, ceci étant dit, fermons la parenthèse de l’enseignement pour retourner au cas de Zoom.

L’un des méfaits les plus récents de cette plateforme est l’envoi des données personnelles de ses utilisateur·rices à Facebook, même pour ceux et celles qui ne sont pas membre du réseau social. Parmi les données recueillies, on retrouve l’adresse postale et l’adresse IP, deux données qui ne sont pourtant absolument pas nécessaires à un logiciel de vidéoconférence. Rappelons également que vu son succès, il ne faut pas exclure la possibilité d’un rachat de Zoom par un GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), les données personnelles faisant partie des actifs de l’entreprise, elles seraient récupérées par l’une de ces grandes multinationales.

Le patron de Zoom est-il dès lors le nouveau grand(issant) méchant loup de la surveillance en ligne ? Bien sûr que non, si ça n’avait pas été celui-là, ça aurait été le même schéma avec un autre logiciel. Ces entreprises ne font qu’évoluer sur leur marché et saisir des opportunités afin de grandir, une tendance d’accumulation de capital propre à notre système économique et qui ne laisse que très peu de place à la condamnation morale. Il est en effet indispensable d’appréhender ces nuisances comme partie d’intégrante du système capitaliste, là où des entreprises vont maximiser leurs profits par le vol de données personnelles, d’autres vont implémenter la 5G, ignorer le confinement, ou vendre des masques hors de prix. Si ces comportements doivent être expliqués, ça ne peut être qu’en tant que volonté de croissance traduisant la peur de disparaître, si on ne grandit pas, on est mangé. C’est la loi de la jungle néolibérale décomplexée qui ignorera toujours l’humain dans ses calculs froids.

Alors que faire ?

Avant toute chose, informez-vous afin de faire vos choix en pleine connaissance de cause. Pour vous aider dans cette démarche, nous vous proposons un atelier concernant la surveillance numérique et les alternatives possibles le 4 décembre .

La meilleure solution est d’opter pour des outils de vidéoconférences libres et sécurisés, dont vous pouvez trouver une liste non-exhaustive dans notre article sur le sujet mais également ici (ainsi que quelques explications) et ici.

L’étape suivante est de parler autour de soi de cette menace grandissante. Il y a un combat idéologique à mener contre la politique néolibérale afin de l’empêcher de s’afficher plus austère que jamais durant le déconfinement et en profiter pour la renverser. Changer de système doit se faire maintenant si nous voulons éviter la catastrophe, comme le disait Joseph Stiglitz, prix Nobel de 2008 : « Nous n’avons fait que changer de place les chaises longues sur le pont du Titanic ». Mais que faire à titre personnel pour protéger ses données ? Cela peut paraître à la fois inutile et impossible, on peut souvent entendre des phrases comme « je n’ai rien à cacher » et « on ne peut rien y faire ». La première finira pourtant toujours par s’avérer fausse. Que ce soit par intimité, par anonymat, par orientation politique, religieuse, sexuelle, il y aura toujours une situation individuelle ou une conjoncture éco politique qui finira par vous faire regretter le vol de vos données par un tiers. La seconde phrase doit être plus nuancée. Il est vrai qu’on ne peut échapper complètement à l’œil orwellien des GAFAM & co, mais on peut limiter et brouiller la quantité d’informations qu’ils collectent sur nous. Cela commence par la détection du danger, quand un site ou une application nous demande d’accepter leur règlement, mais que ce dernier est impossible à lire (que ce soit dû à sa longueur, dû au niveau d’expertise nécessaire ou autre), il y a anguille sous roche.

Si vous souhaitez approfondir le sujet de la surveillance numérique et des logiciels libres avec nous, vous êtes les bienvenu.e.s dans le groupe InformÉthique. Signalez votre intérêt à l’adresse pauline chez amisdelaterre.be

Simon, stagiaire en communication aux Amis de la Terre

Sources :
·       https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/coronavirus-Zoom-le-service-de-visioconference-qui-flambe-en-bourse-en-pleine-crise-1189102
·       https://www.vice.com/en_ca/article/k7e599/Zoom-ios-app-sends-data-to-facebook-even-if-you-dont-have-a-facebook-account
·       https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/31/donnees-personnelles-l-application-de-visioconference-Zoom-est-elle-intrusive_1783603
·       https://www.rtbf.be/info/regions/detail_a-l-universite-les-examens-de-premiere-session-auront-lieu-a-distance?id=10486463