Cet article est paru dans la revue annuelle des Amis de la Terre « Ralentir, vite !« .
Comment les enfants vivent cette société de l’accélération ? L’avis de Diane Drory, psychologue et psychanalyste, auteure de nombreux ouvrages sur les questions de l’enfance et de l’adolescence.
« Ce que les enfants vivent souvent, en famille, c’est d’être pris dans une tornade. Ils grandissent entre le « attends » et le « dépêche-toi ». Ils sont pris dans la course folle de leurs parents, qui n’ont pas le temps. Les enfants étant très loyaux, certains essaient de ne pas prendre du temps à leurs parents.
Cela peut poser question au niveau du lien, on n’a plus le temps d’être ensemble. Les moyens de communication actuels ne facilitent pas les choses, chaque membre de la famille étant rivé sur des écrans chronophages. »
Une crise de l’impatience
« Ce qui me questionne le plus, c’est la question de l’immédiateté. Les enfants ont oublié qu’il faut donner du temps au temps. Ils ne sont plus amenés à rencontrer la frustration, il faut tout tout de suite. Dans cette accélération permanente, on saute les étapes, on leur fait voir des films ou faire des activités qui ne sont pas de leur âge. Où est alors l’intérêt de grandir ? Être enfermé dans l’immédiateté empêche toute forme de mise en projet. Le passé et le futur s’effacent. Le sens de la vie se dilue. Des ados viennent chez moi et me disent en boucle « je ne sais pas ». On doit les aider à construire des idées, du sens, à se demander pourquoi ils sont là. »
Des enfants engoissés face à l’ennui
« L’ennui, le temps vide, est aujourd’hui souvent vécu par l’enfant comme une angoisse, un gouffre dans lequel il tombe. Or le temps mort est un temps très vivant. C’est à ce moment-là qu’on a le temps de penser, de donner un sens à ce qui nous arrive. Il faudrait être tout le temps dans « le faire », au détriment de « l’être ». Introduire la méditation et le yoga dans les écoles et à la maison permettrait de prendre le temps de sentir qui on est. Plutôt que de se laisser emporter dans une société de consommation, on devrait proposer aux enfants d’observer une fleur, de sentir ce qui existe, de découvrir le monde qui les entoure. Dans la nature, on stimule tous nos sens, on apprend la notion de rythme, les cycles de la vie, on apprend sur soi. »
Des agendas de ministre en herbe
« L’emploi du temps des enfants est de plus en plus chargé. Entre l’école, les devoirs, les activités parascolaires, il ne reste plus beaucoup de temps libre. C’est pourtant essentiel dans le développement de l’enfant. On vole l’enfance aux enfants. Ils doivent pouvoir jouer librement, et pas que devant des écrans. A ce titre, n’oublions pas que les parents donnent l’exemple, même si ce n’est pas facile. En tant qu’adultes, comment nous accordons nous du temps, sommes-nous rivés sur notre smartphone ? »
Propos recueillis par Christophe Dubois
Source : Article paru dans la revue Symbiose n°112, 4 e trimestre 2016