La Commission européenne a annoncé un plan de relance pour l’Europe afin de pallier les difficultés économiques et sociales causées par la pandémie de Covid-19. Il s’agit d’un moment décisif pour l’avenir de l’Europe, MAIS le plan de relance ne permet pas de construire un avenir plus juste. Or, « notre avenir collectif sera façonné par la manière dont cet argent sera dépensé ». Découvrez ici l’avis et l’argumentaire de notre réseau européen !
plan de relance pour l’Europe afin de pallier les difficultés économiques et sociales causées par la pandémie de Covid-19. Il s’agit d’un moment décisif pour l’avenir de l’Europe,La Commission européenne a dévoilé son projet d’administrer une injection d’adrénaline de 750 milliards d’euros pour sortir l’économie européenne de la crise du coronavirus. Avec le pacte vert pour l’Europe en arrière-plan, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a promis de rendre la relance « verte, numérique et résiliente ». C’est un moment révolutionnaire pour l’avenir de l’Europe. Mais jusqu’à présent, le paquet de relance est malheureusement loin de construire une Europe meilleure.
Nous sommes à la fois confronté·es à une pandémie et à une crise mondiale du climat et de l’écologie – une combinaison meurtrière à court et à long terme. Non seulement nos économies inéquitables et polluantes doivent se reconstruire après une profonde récession ; mais elles doivent aussi subir une transformation totale d’ici dix ans, si nous voulons limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.
Ce moment est une occasion unique de faire les choses différemment – de donner à l’Europe une base durable, résiliente et juste. Cela doit signifier la mise en place d’une transition juste vers les énergies renouvelables et communautaire à 100 % ; aider les régions les plus pauvres et les personnes les plus vulnérables d’Europe ; et doubler la mise en place de solutions durables et équitables pour l’alimentation, l’agriculture, la nature et l’utilisation des ressources. C’est peut-être notre meilleure et dernière chance de mettre un terme à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité.
En ces temps sans précédent, nous attendons de nos dirigeant·es qu’ils-elles assument leurs responsabilités et qu’ils-elles réagissent de manière globale aux situations d’urgence interdépendantes. Certes, nous pouvons dire que la présidente von der Leyen a tiré les leçons de l’effondrement économique des années 2008. Sa mobilisation massive de fonds pour relancer nos économies après-Covid-19, au lieu d’imposer l’austérité, est nécessaire. L’accent mis sur une « relance verte » et l’aide aux plus démunis sont certainement les bienvenus. En outre, son plan est une noble tentative d’agir solidairement pour éviter que les forces divergentes de l’Europe ne se séparent davantage.
Malheureusement, si l’on considère l’ampleur et le caractère prioritaire de l’urgence planétaire à laquelle nous sommes encore confronté·es, ce paquet « vert » a une teinte nettement brune. Il cherche un retour rapide à la normale – alors que la normale est déjà une tragédie pour tant de personnes, et pour la planète.
Le plan manque de conditions en contrepartie des aides. Cette réticence est ridicule. Les États membres sont autorisés à dépenser les fonds non utilisés de l’UE pour répondre rapidement à la crise jusqu’en 2022 – les subventions pour les combustibles fossiles sont autorisées dans ce cadre. Les aides d’État aux entreprises n’ont pas non plus de conditions environnementales et les normes habituelles sont temporairement assouplies. Le fait d’accorder des dons à des projets de combustibles fossiles ou à des sociétés qui échappent à l’impôt nous mettra sur la bonne voie pour un avenir injuste et climaticide. Des conditions doivent également être imposées aux aides afin de favoriser la création d’emplois décents, de limiter les dividendes et de réduire les impacts sur l’environnement.
Trop de mesures accordent la priorité aux solutions technologiques proposées par les entreprises. La Commission met tout en œuvre pour favoriser des technologies non éprouvées comme l’hydrogène. En réalité, la promotion de l’hydrogène n’est pas un vaccin contre l’urgence climatique, et risque de maintenir notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles polluants qui entrent dans sa fabrication. De même, le paquet encourage l’agriculture numérique en tant que moyen de sortir de la récession ; mais ce n’est pas la panacée. Il pourrait encore désavantager les petits agriculteur·trices et, à moins que des règles claires ne soient établies pour garantir aux agriculteur·trices le contrôle de leurs données, il pourrait renforcer la mainmise des entreprises sur notre alimentation.
Il est bon de voir des investissements dans la rénovation des bâtiments inefficaces de l’Europe – contribuant à la création d’emplois, à la réduction des émissions de carbone et à la réduction de la pauvreté énergétique. Et un coup de pouce au Fonds pour une transition juste pour aider les travailleur·euses et les régions à se libérer des fossiles. Ces deux mesures requièrent encore des investissements supplémentaires massifs, un caractère d’urgence et des objectifs clairs. Les coûts doivent être supportés par les secteurs riches et non par les plus pauvres de la société.
Notre avenir collectif sera façonné par la manière dont cet argent sera dépensé. Le coronavirus serait une double tragédie si nous revenions à une situation conventionnelle malsaine et insoutenable. L’Europe a encore une chance de reconstruire en mieux. Il appartient maintenant au Parlement européen et surtout aux gouvernements nationaux de soutenir ce plan et de le façonner pour créer les sociétés équitables dont nous avons besoin dans les limites de la Terre. Ils doivent avant tout agir pour notre avenir commun, et pas seulement pour ce qu’il leur apporte.
Par Jagoda Munić, directrice, Les Amis de la Terre Europe