Rapport de synthèse du GIEC 2023 : chaque degré compte

Le 20 mars dernier, le GIEC a publié son 6e rapport de synthèse, faisant état d’une situation d’urgence encore plus prononcée, que seule une réponse massive, immédiate et durable saurait enrayer. Des solutions peuvent encore être mises en place mais chaque incrément de réchauffement supplémentaire rend toute action de moins en moins effective et les risques pour nos écosystèmes et les humains de plus en plus forts et complexes à gérer.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est une institution neutre  créée en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale et le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement). Cette instance a pour but d’évaluer et de faire état des connaissances scientifiques sur l’évolution du climat (causes et impacts). Ce travail permet d’identifier les voies de changement pour limiter l’ampleur du réchauffement climatique et ainsi pouvoir s’y adapter et/ou l’atténuer. Il s’agit d’intégrer les enjeux croisés que sont la faisabilité, le développement soutenable et les limites planétaires.

Ce Résumé pour les décideurs marque l’achèvement d’un cycle de travail (2015-2023) qui a permis de synthétiser les connaissances scientifiques sur le réchauffement climatique durant cette période. Il constitue un socle commun reconnu pour les décideurs et les négociations internationales.

Ces dernières années, des progrès ont été faits permettant de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), notamment en matière d’énergies renouvelables. On constate ainsi dans certains secteurs et dans certaines régions du monde, une baisse des émissions de GES. Cependant, s’il est vrai qu’un certain nombre d’actions ont été mises en place et des avancées ont été constatées, les efforts actuels restent insuffisants pour enrayer le réchauffement climatique qui se produit. Les baisses d’émissions sectorisées ne parviennent pas à compenser les émissions totales à l’échelle planétaire. Ainsi, le rapport du GIEC fait état d’une hausse des émissions de GES au niveau mondial, due notamment à la hausse des émissions de CO2 (utilisation des énergies fossiles) et de méthane (augmentation mondiale du nombre d’élevages de ruminants).

Répartition des émissions de GES par secteur :

Les hausses des émissions ont contribué à un réchauffement de la température moyenne à la surface du globe de 1,1°C depuis le 19e siècle, réchauffement entièrement imputable aux activités humaines.

Ce réchauffement expose nos sociétés et les écosystèmes à des risques et des changements de plus en plus forts, rapides et généralisés : innondations, augmentation des précipitations, sécheresses, cyclones, insécurités alimentaire et hydrique, augmentation de la mortalité et morbidité, pertes irréversibles de biodiversité, retrait des glaciers, fonte du permafrost, acidification des océans, montée des eaux… Les événements extrêmes sont plus nombreux, plus forts et plus graves ce qui en rend d’autant plus complexe et difficile la gestion. Les événements climatiques et non climatiques vont s’entremêler et se nourrir (conflits, pandémies) venant diminuer toujours plus nos capacités et l’efficacité de nos actions.

Ces changements majeurs contribuent à augmenter la vulnérabilité et à diminuer la résilience des écosystèmes et des êtres humains.

En ce sens, l’année 2022 est emblématique : elle a accueilli une vague de chaleur marine record, une sécheresse généralisée, un recul des glaciers majeurs, un dégel important du permafrost, un faible enneigement et un déplacement des maladies à vecteur.

Chaque incrément d’émission supplémentaire fait augmenter les risques (intensification des événements majeurs) et le niveau du réchauffement climatique. Nos choix et nos actions d’aujourd’hui vont déterminer le niveau de réchauffement de demain.

Une responsabilité inégale :

Ce rapport met en avant plus que jamais, l’inégale contribution aux émissions de gaz à effet de serre et in fine au réchauffement climatique. 10 % de la population est responsable de 40 % des émissions. Les pays développés ont une responsabilité historique, alors que les peuples qui émettent le moins de GES, sont souvent ceux les plus exposés au changement climatique. Ainsi, les Peuples autochtones dont leur mode de vie est basé sur la diversité environnementale, sont les premiers impactés par la perte de biodiversité.

Malgré un rapport accablant, des réponses effectives sont toujours envisageables. Le GIEC appuie des solutions de court et long terme importantes qui permettraient après un dépassement temporaire de l’objectif de 1,5°C, de revenir dans les limites fixées à horizon 2100 (constituant la trajectoire bas-carbone).

Mais dans un premier temps, seule une diminution substantielle, rapide et durable des émissions de GES pourrait contenir le réchauffement climatique à 1,5°C. Pour cela, il est nécessaire de parvenir au plus vite à zéro émission net de CO2 et une à réduction significative des autres GES.

Afin de remplir cette trajectoire bas-carbone, les États doivent s’engager dans des transitions de systèmes, multi-sectorielles et de long terme, en s’attachant à tous les postes d’émission de GES (énergie, transports, agriculture, industries et déchets). Le rapport de synthèse met en avant la nécessité de mettre en place des stratégies d’adaptation et d’atténuation travaillant conjointement (synergies). Diverses actions sont envisageables : agroforesterie, adaptation basée sur des communauté, management durable des terres, pratiques agroécologiques, adaptation basée sur les écosystèmes, verdissement des villes, énergies très bas voir zéro carbone.

Des nombreux obstacles existent encore, obstacles contre lesquels le GIEC met en garde afin de ne pas faire face à des actions négatives sur l’environnement et la société à long-terme (marginalisation des peuples autochtones, diminution de la résilience des écosystèmes…). On parle de maladaptation. La transition doit être juste et inclusive (justice climatique, équité…). Pour cela, les engagements politiques doivent être forts, notamment via la construction de coopérations internationales.

Enfin, et c’est une nouveauté, le GIEC relève la nécessité d’agir sur la demande dans chaque secteur afin de pouvoir la contrôler, tout en assurant le bien-être et le respect des limites planétaires. C’est l’introduction de la notion de sobriété.

Et les Amis de la Terre dans tout ça ?

Les Amis de la Terre, ont alors plus que leur rôle à jouer. Notre association agit déjà dans de nombreuses voies.

La sobriété en s’engageant dans une démarche de simplicité volontaire, démarche visant à savoir mieux vivre en vivant plus simplement est une démarche que l’on peut adopter au niveau individuel et familial. A un niveau plus global la décroissance de la production via un mode de consommation plus conscient et réduit permet de prendre en compte les limites planétaires et de diminuer notre impact sur le réchauffement climatique.

Ces concepts qui constituent son cheval de bataille prônent un changement de paradigme post-croissance et un modèle de société nouveau, heureux et juste. Ils accompagnent des groupes citoyens de simplicité volontaire. Un groupe thématique sur la décroissance a également vu le jour.
Enfin, en terme de résilience hydrique, les Amis de la Terre militent pour une gestion durable des eaux afin de préserver et régénérer le cycle naturel de l’eau.