Un membre des Amis de la Terre a rénové sa maison de façon décarbonée

Didier Brick, membre des Amis de la Terre depuis plus de 25 ans, nous a accordé un entretien pour nous parler de sa maison « décarbonée » qu’il a rénovée tout récemment.

Passionné par le vivant depuis tout petit, ce professeur de biologie, engagé dans la locale du Pays de Herve, a décidé de rénover sa petite fermette, pour qu’elle soit le plus autonome possible. En première partie et en vidéo, nous allons parler de sa maison et des moyens mis en place pour assurer l’autonomie de la maison, en terminant par de petits conseils pour celui qui aurait envie de rénover sa maison de manière plus durable. En bonus, ci-bas, nous avons rédigé l’expérience qu’il a eue au sein des Amis de la terre, de son investissement et de l’évolution de l’association.

 » Au niveau énergétique, ce que j’ai retenu des Amis de la Terre, c’est que la première des choses à faire c’est isoler. »

L’interview est disponible en vidéo ici :

Maison décarbonée : comment as-tu mis ça en place ? Et concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ?

« Concrètement, c’est essayer au maximum de se passer du système et de ne plus être dépendant de celui-ci. Par exemple, au niveau de l’eau de pluie, toute ma toiture est raccordée à deux citernes qui au total comptabilisent 12 000 litres d’eau, et ceux-ci passent par une pompe. Maintenant je trouve que la technologie offre des possibilités intéressantes, à savoir que, si un jour, en cas de sécheresse ou canicule, il n’y a plus d’eau dans mes citernes, la pompe bascule sur l’eau de distribution. Le raccordement existait au moment où j’ai rénové la maison donc je ne suis pas allé jusqu’à m’en priver, on ne sait jamais, au cas où. Le but c’est de tout faire avec mes 12 000 litres d’eau donc pour épargner au maximum l’eau, j’aurai des toilettes sèches […] et un système d’épuration de l’eau avec une fosse septique, le trop-plein qui passe par un lagunage, épuration par les plantes, des phosphates, des nitrates, par les plantes mais aussi toutes les bactéries qui se trouvent dans le gravier du lagunage et le trop plein du lagunage arrive dans une petite marre. Celle-ci a deux fonctions : les dernières molécules chimiques qui pourraient se trouver dans l’eau sont dégradées par les UV et puis aussi pour la biodiversité du jardin, tout comme le lagunage, c’est offrir un milieu différent pour les insectes, batraciens et les plantes aussi.

Au niveau potabilisation de l’eau, […] l’eau la plus propre serait celle qui ne touche pas le sol, donc l’eau de pluie. Celle-ci est décantée dans les citernes et puis elle passe par ma pompe où il y a un premier filtre et puis j’aurai un point d’eau dans ma cuisine où il y aura une cartouche céramique qui filtre alors au niveau d’un micron, donc qui retient les bactéries qui pourraient rester dans l’eau. Et là j’ai un point d’eau potable. […]

Au niveau énergétique, ce que j’ai retenu des Amis de la Terre, c’est que la première des choses à faire c’est isoler. Ma fermette doit dater de 1875 donc elle a subi un lifting total […]. Au niveau de l’enveloppe de la maison, des 4 murs extérieurs, on a 17cm d’ouate de cellulose sur tous les murs extérieurs. L’avantage ou le désavantage c’est que je n’avais pas un bâtiment qui était très beau, donc ce n’était pas un souci architectural de tout isoler par l’extérieur. Du coup j’ai fait un bardage bois pour avoir une meilleure intégration dans le paysage. Et alors j’ai gardé la façade puisque c’est vraiment le cachet « fermette » ancestral et ça c’était beau, donc je l’ai isolée par l’intérieur. Au niveau du toit, il y a 30cm (le max) d’ouate de cellulose pour vraiment avoir un matelas d’isolation. En gros, c’est devenu une basse énergie. J’ai besoin de moins chauffer vu qu’il y aura une bonne isolation et de même en été je risque de garder un meilleur habitat et d’avoir moins de souci de maison intenable quand il fera trop chaud.

Le gros point c’était l’isolation, avec de nouveaux châssis aux fenêtres. Je voulais des châssis en bois en me disant que ça maintiendrait le naturel, ça reste quand même le meilleur isolant. […] Donc je me suis tourné vers le mélèze, encore une fois c’est un compromis parce que le bon mélèze ne vient pas de chez nous, donc il vient de Sibérie. Ce n’est pas évident, même quand on réfléchit, à un moment donné il faut lâcher prise sur ses choix parce que sinon on devient fou. J’ai pris du bois avec capot d’aluminium, ça a un coût environnemental aussi mais d’une part je ne dois pas repeindre mes châssis tous les 4-5 ans, ce qui a aussi un impact environnemental, et je leur assure une meilleure longévité donc si finalement je pense à l’énergie grise dans la mise en œuvre de mes châssis, elle sera répartie sur un plus grand nombre d’années.

Maintenant, au niveau du système de chauffage, encore une fois, suite à mes réflexions Amis de la Terre, je m’étais dit « panneaux solaires pour l’eau chaude », je suis allé dans une société bien connue qui travaille avec l’énergie solaire depuis toujours. Sans même me parler d’isolation, ils ont dit de mettre 24 panneaux photovoltaïques et de tout faire avec l’électricité. Je suis sorti de là en me disant qu’ils étaient fous. […] J’ai réfléchi à d’autres solutions, j’ai été conseillé par un bon guide énergie aussi et on s’est accordé sur des panneaux thermiques, donc pour faire de l’eau chaude avec le soleil. Et ces panneaux dans 20 ans sont toujours bon, c’est juste une boite noire avec du glycol pour qu’il n’y ait pas de problème en cas de températures trop élevées ou trop froides. Donc voilà, 2 panneaux thermiques pour avoir de l’eau chaude, quand il y a du soleil. Les copains des Amis de la Terre m’ont conforté dans cette idée parce qu’il y en a qui ont installé ça depuis une vingtaine d’années et en gros, quand il fait bon, ça suffit à chauffer l’eau sanitaire. Ce qui coûte le plus cher dans une maison en électricité, c’est faire de l’eau chaude. L’avantage de faire de l’eau chaude avec le soleil c’est qu’en fait mon ballon qui réceptionne l’énergie solaire et aussi de mon poêle à bois, ce ballon renvoie l’eau chaude vers les radiateurs de la maison, mais aussi vers la machine à lessiver et au lave-vaisselle, ce qui évite que ces deux derniers ne doivent trop chauffer et trop consommer d’électricité. On peut aussi faire de l’économie électrique avec ça.

Le poêle à bois, qui va principalement chauffer la maison et l’eau, c’est une marque belge, qui s’appelle DDG, ce sont des poêles hydro. Donc en fait il va rayonner seulement 30% de l’énergie et stocker 70% de l’énergie des bûches qui va passer dans un serpentin d’eau chaude qui est lié à ce même ballon. Et du coup, quand on se chauffe au gaz ou au pétrole on ne prend pas trop conscience de sa consommation. Alors que se chauffer avec des bûches demande un peu plus de manipulation, et on est conscient de ce que ça coûte en énergie aussi, ça demande quand même de la logistique. […] Je peux aussi me faire livrer du bois si je n’ai pas le temps et ce sera quand même moins cher que de se chauffer avec des pellets, du gaz ou du pétrole. Et l’idée c’est d’être au maximum autonome et d’utiliser ce que j’ai à disposition chez moi, et de peut-être compléter avec des achats extérieurs si besoin.

Au niveau électricité, je serai encore dépendant du système, je n’ai pas de solution. Je parle d’une rénovation qui coûte le prix d’une maison neuve, voire peut-être un peu plus, alors peut-être que je mettrai quand même un jour des panneaux photovoltaïques mais pour le moment, à la fois économiquement ce n’est plus possible et toute la maison est équipée avec du LED donc j’attends de voir après un an de consommation d’électricité où j’en suis et on verra s’il y a moyen de trouver une solution alternative et plus verte au niveau de l’électricité.

Au départ, il était important pour moi de ne pas condamner un terrain naturel à être retourné pour y faire une maison. Notre beau Pays de Herve a déjà trop souffert de l’urbanisation et je trouve important de valoriser ce qui existe déjà comme bâtiments.

Aussi, dans mon projet zéro carbone (ou carbone minimum pour rester modeste), la façade a été rénovée avec des pierres de réemploi, tout comme une partie du pavage intérieur. Les meubles sont tous d’anciens meubles rustiques centenaires (je pense même qu’ils sont moins cher que les neufs de chez Ikéa qui ne durent qu’une demi génération). Le plafonnage est réalisé à l’argile pour avoir une matière naturelle non transformée comme le plâtre. Les plafonds sont en lambris de sapin qui proviennent de France, via une filière qui fait de la récupération et de la mise au travail de personnes handicapées.

Quelles aides et quels corps de métier as-tu sollicité pour ce projet ?

On dira peut-être qu’il n’y a pas de hasard mais grâce à mes cours d’apiculture j’ai rencontré un jeune bio-ingénieur qui travaille au guichet de l’énergie à Marche et dont c’est le boulot, et donc c’est à 75% grâce à lui. C’est lui qui m’a orienté vers le chauffage hydro avec ce système-là, qui m’a mis en garde au niveau isolation, donc c’est mon conseiller principal. Il faut quand même avoir les conseils de gens qui ont vécu les choses sur le terrain. En plus l’avantage de la technologie c’est qu’avec une petite vidéo on peut envoyer et recevoir sa réponse directement, c’est pratique.

[J’ai fait appel à] un peu tous les corps de métiers. Un super électricien qui en même temps a été un super sanitariste parce que coup de bol, il est dans le bâtiment donc il a fait office de conseiller et gestionnaire de chantier […]. J’ai aussi eu la chance de trouver un maçon d’exception puisqu’on a démoli et reconstruit pour embellir les choses donc il a fallu aussi que je lui fasse confiance. Et puis au niveau isolation et toiture, c’est la même personne. J’ai aussi trouvé un bon menuisier aussi pour le bardage bois et le caisson d’isolation, les lambris, les parquets etc.

Toutes les entrepreneurs du chantier proviennent de ma commune ou de communes voisines.

Est-ce que la construction s’est bien déroulée ?

C’est vraiment usant, c’est très compliqué. En plus j’ai coordonné le chantier moi-même. Ça demande beaucoup d’investissement, ne fut-ce que pour se former soi-même puisque moi je suis biologiste je ne suis pas dans le bâtiment. Il a fallu que moi-même je comprenne ce qu’était une bonne isolation et comment ça fonctionne pour l’expliquer au menuisier ou au maçon […]. Sinon il n’y a pas eu de gros problème particulier je dois dire, ça s’est globalement bien passé. C’est toujours compliqué de tomber sur les bonnes personnes de confiance, et qui s’entendent bien entre elles.

Au niveau de l’investissement financier, est-ce que tu peux nous parler de l’investissement de départ ? Est-ce que le coût est accessible pour être envisagé par d’autres personnes ?

Oui c’est ça le problème. Je suis convaincu depuis 20-25 ans, je prévoyais déjà le coup donc j’ai vécu en considérant qu’un jour j’allais me lancer et que j’aurais besoin d’une certaine somme pour réaliser mon rêve. En gros, le système de chauffage il faut compter entre 20 et 25 000€ pour la mise en œuvre, donc c’est vrai que c’est déjà quand même un budget. L’isolation je ne saurais pas la chiffrer comme ça. Pour la toiture, il fallait tout refaire on en avait pour plus ou moins 50 000€ pour le toit et l’isolation mais je ne connais pas exactement la surface exacte de mon toit. En fonction des maisons peut-être que la surface ne sera que de moitié, ou le toit sera toujours correct donc on ne refera que l’isolation. Un projet n’est pas l’autre.

Pour voir le plan de la maison rénovée, cliquez ici : plan_didier_brick.pdf

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite rénover sa maison ?

La première chose c’est qu’il y a des guichets de l’énergie, gratuits. Un conseiller énergétique vient chez vous, fait le tour de la maison et voit où sont les problèmes donc il y a déjà moyen d’éviter des pertes d’énergie en réfléchissant à corriger tout ce qui ne va pas, à supprimer les appareils trop énergivores dans la maison, peut-être à se dire qu’on va vivre avec un degré de moins et un petit pull de plus. Je pense qu’il y a moyen d’être très raisonnable et de, sans investir, déjà, de raisonner pour consommer moins, mieux prendre conscience de notre consommation, de notre mode de vie lié à l’usage de l’énergie. Donc un bon conseil énergie c’est un bilan global de la maison, peut-être pour se dire qu’il y a des pièces qu’il faut moins chauffer ou peut-être se concentrer dans une seule partie de la maison en hiver pour ne pas chauffer les parties accessoires.

Deuxième point, quand on le peut, c’est investir dans l’isolation, et d’abord l’isolation du toit.
Attention à ne pas isoler avec du polyuréthane (pétrole), la maison ne respire plus donc besoin de photovoltaïque. Intéressant, ouate de cellulose, déchets de papier, qui ne perd pas son pouvoir isolant avec le temps. Donc recyclage, qui ne perd pas son pouvoir avec le temps, et qui laisse la maison respirer.

Ensuite, en fonction du budget, faire de l’eau chaude. Et envisager le photovoltaïque en dernier lieu.

L’association : Comment as-tu connu les Amis de la Terre pour la première fois ?

«Je pense qu’on a un impact, mais on ne s’en rend peut-être pas compte.»

C’est très simple. J’étais déjà intéressé par tout ce qui était « différentes variétés de pommes » et il y avait une petite animation dans un garage à Bolland au pays de Herve, chez les premiers irréductibles Amis de la Terre que j’ai rencontrés. J’ai sympathisé avec quelques personnes du groupe qui m’ont invité à la réunion suivante et depuis j’en fais partie. J’ai aussi été pendant quelques années président de la locale « Pays de Herve ».J’ai guidé pas mal balades natures, principalement des balades ornithologiques. J’ai aussi travaillé sur tout ce qui est petit élevage et perte biodiversité de nos races locales, avec la poule de Herve. J’ai lancé avec l’équipe « La journée de la Pomme » qui se redonnera tous les ans je l’espère, au Château de Wégimont à Soumagne, qui est quand un même un événement qui réunit 1500 visiteurs quand les conditions climatiques sont bonnes. Et le verger conservatoire de Soumagne est aussi un de mes bébés, ainsi que la presse qui sert à faire du jus de pomme, nous permet autonomie et conservation des fruits. Aussi, ce qui va arriver cette année c’est un « Local Presse » au Château de Wégimont qui nous permettra d’avoir un point de chute pour y laisser notre presse et offrir un service collaboratif et social aux particuliers pour conserver leurs fruits. J’allais oublier l’apiculture non loin du verger, car je donne aussi des cours d’apiculture.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’impliquer dans l’association ?

Il y a à peu près 25 ans je trouvais que chez les Amis de la Terre, il y avait un vent de réflexion qu’on ne trouvait pas ailleurs, des gens très critiques sur le fonctionnement de la société. On avait l’habitude de dire que les Amis de la Terre avaient 20 ans d’avance par rapport à leur temps au niveau de la réflexion, et je pense toujours que c’est le cas. Je trouvais que c’était un mouvement très novateur, très en avance sur son temps au niveau des réflexions sur les enjeux écologiques et au niveau de l’engagement des personnes qu’on y trouvait. Il y a déjà 20 ans on y parlait de la gestion de l’eau, l’épuration domestique, les toilettes sèches, etc. Ce qui est comique, c’est qu’à l’époque on nous prenait pour des fous et puis aujourd’hui on se rend compte qu’on avait raison, et on vient nous demander des conseils.

Pendant toutes ces années au sein de l’association, est-ce que tu as un/des événements qui t’ont marqué ?

Le côté humain, finalement. Comme dans tous les groupes, c’est compliqué de fonctionner avec tout le monde. En tant que président, j’ai dû m’occuper de maintenir la flamme chez tout le monde et de devoir aussi gérer les conflits, qui sont inhérents au sein d’un groupe. Ça demande beaucoup d’énergie. Le reste, ce que le groupe avait déjà il y a 25 ans, il l’a toujours. Mais le côté humain m’a beaucoup appris.

Avec toutes tes années d’expériences, as-tu pu assister voire observer des changements sociétaux et comportementaux en faveur de l’écologie ?

Oui, bien sûr. Autant on se foutait de nous il y a 25 ans, autant aujourd’hui si je parle de toilettes sèches on me regarde quand même étonné mais j’ai l’impression qu’on ne rit plus. […] Je me rends compte que j’ai un discours qui intéresse, que les gens sont plus amenés à nous écouter, à s’intéresser, et au niveau des choix personnels de pas mal de monde, on a travaillé beaucoup sur le verger et on reçoit plein de retours positifs de gens qui sont venus à nos animations il y a 5-10-15 ans, qui ont replanté un verger et qui maintenant ont des fruits, ou qui changent leur mode de vie. Donc je pense qu’on a un impact, mais on ne s’en rend peut-être pas compte. On a toujours évidemment envie de faire beaucoup plus mais on a ajouté, je pense, une chouette pierre à l’édifice.

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