Les fruits de la passion

21 juin : le soleil est au rendez-vous et célèbre le solstice estival. Pour fêter cette saison de chaleur, de parfums et de saveurs, je rencontre – était-ce un hasard ? – un marchand de cerises installé sur le bord de la route.

Il a parcouru 40 kilomètres, pour vendre des édelphines mûres, juteuses et parfumées, fraîchement cueillies sur les hautes-tiges de son verger. La cueillette lui laisse d’ailleurs, depuis quelques temps, un souvenir douloureux au creux du dos.

J’achète donc un demi-kilo de cerises, que j’attaque illico, en bavardant avec le fermier. Ses fruits n’ont aucun label bio mais il ne les pulvérise pas (allez donc  » pesticider  » des hautes-tiges !!). Il les vend à la ferme, tenue par son frère, et là, sur le bord de cette route. Bien sûr il n’est pas riche de ce commerce, mais il aime son travail, cela se voit.

Une rencontre qui fait le tour de nombreuses questions : la conservation des vergers de hautes-tiges, la production de fruits de qualité et leur commercialisation, les difficultés des petits producteurs dans l’évolution du marché …

Ces points constituent une part importante de ce dossier, où nous aborderons bien sûr l’intérêt des vergers pour le particulier et le rôle de celui-ci dans la conservation de ce patrimoine.

Au sommaire de ce numéro

  • La production de fruits en Belgique Des pommes, des poires et des scoubidous …
    • Comment celle-ci se répartit entre arboriculture intensive, production intégrée, bio, auto-production. Propos de Marc de Froidmont, arboriculteur bio depuis 1976.
  • Un avenir pour les vergers de hautes-tiges ?
    • Diverses initiatives pour la sauvegarde de ces vergers.
  • Ne plantez pas votre verger, semez-le !
    • Dans son jardin situé dans le Midi de la France, Paul Moray a implanté et fait fructifier en abondance pruniers, pommiers, pêchers … sans aucune irrigation. Le secret ? ses arbres n’ont pas été plantés, mais semés. L’idée, toute simple, lui est venue par l’observation des arbres fruitiers qui poussent dans la nature, dans des conditions difficiles, qui se portent et fructifient très bien.
  • Une poire pour la soif
    • La protection des vieux vergers de hautes-tiges. Description de multiples initiatives, coordonnées des association, etc. (Article consultable en ligne)
  • Verger et biodiversité
  • Produire soi-même des fruits de qualité
    • Bien sûr, pas question d’aménager un verger de dizaines d’arbres hautes-tiges dans le premier jardin venu. Pas la peine, non plus, de planter le maximum d’arbres que vous y autorise la superficie disponible : lorsque les arbres produiront, il faudra gérer les dizaines de kilos de fruits dont vous serez gratifiés, les années d’abondance ! choix des variétés, glossaire, comment planter, etc.
  • Un verger en ville ?
    • Au mot verger, vous associez l’image de pommiers, poiriers et autres cerisiers alignés dans les pâtures du bocage ? Mais si vous habitez en ville, vous n’êtes pas pour autant privé d’arbres fruitiers !
  • Que faire des fruits ?
    • Que faire lorsque la récolte est trop abondante pour votre appétit ?
  • International – L’OMC n’est pas l’amie des vergers suisses
    • En Suisse, les eaux-de-vie sont produites essentiellement avec des fruits, et ces fruits proviennent en grande partie de vergers à hautes-tiges. La raréfaction de ces biotopes particuliers affecte, entre autres, des espèces d’oiseaux indigènes menacés de disparition. La politique de libéralisation des échanges de l’Organisation Mondiale du commerce en porte une part de responsabilité.

Une poire pour la soif

La protection des vieux vergers de hautes-tiges

De nombreuses initiatives, issues pour la plupart d’associations, ont vu le jour, il y a quelques décennies, avec l’objectif de préserver ce patrimoine menacé. Il semble aujourd’hui que des rapprochements, des synergies commencent à se mettre en place entre elles. Pour le plus grand bien des vergers !

Flore et Pomone

Cette asbl s’est créée en 1989 avec un objectif conservatoire et un objectif didactique. Actuellement, un verger d’un demi hectare rassemble plus de 450 variétés, dont 234 pommiers et 195 poiriers, ainsi que quelques cerisiers, pruniers, cognassiers et autres petits fruitiers. Une telle densité d’arbres, due à l’exiguïté des lieux, est compatible avec l’existence d’un verger conservatoire, mais n’est pas un exemple à suivre dans un but de production. Les arbres sont entretenus par un système de cogestion par les membres : chaque membre participant entretient «ses» arbres et nettoie le sol à leurs pieds, moyennant la moitié de la production des arbres. L’autre partie des fruits est utilisée par l’asbl pour les dégustations et les présentations des fruits dans les foires et expositions auxquelles elle participe. Flore et Pomone informe ses membres, organise des activités ouvertes au public : démonstration de taille, de greffe, dégustation de fruits. Son verger continue de s’enrichir de nouvelles variétés et fait l’objet d’études scientifiques car il ne reçoit ni engrais ni traitement phytosanitaire.

Le verger de Flore & Pomone
Le verger de Flore & Pomone

Flore et Pomone asbl, http://www.floreetpomone.be/

Le Centre de sauvegarde de races et variétés anciennes

Celui-ci s’intéresse à la sauvegarde du patrimoine rural vivant et plus particulièrement aux bovins. Il dispose néanmoins d’un petit verger conservatoire et donne des conseils sur le choix des variétés, sur la plantation des arbres. L’activité principale du Centre est de fournir divers produits d’alimentation surtout à de nombreux groupements d’achat.

Centre de sauvegarde de races et variétés anciennes

Philippe LOECK
9 et 14, Le Quesniau
7870 MONTIGNIES-LEZ-LENS

tél. : 065/59 00 00

Les Bocages

Les Bocages asbl travaille depuis 12 ans à promouvoir les vergers de hautes-tiges. Elle oriente désormais ses efforts vers le monde agricole, en tentant de recréer une économie locale. Ainsi, elle a établi des contact avec les commune de Couvin et de Chimay où des terrains sont mis à sa disposition pour y recréer des vergers. Elle développe des partenariats avec des sociétés de transformation des fruits car, pour elle, l’aspect commercial lié aux fruits du verger est important pour convaincre les agriculteurs d’entreprendre une démarche.

Les Bocages est reconnu comme Centre de Référence et d’Expérimentation par le Ministère de l’Agriculture. Dans son verger expérimental, elle étudie les avantages et inconvénients de la culture en hautes-tiges et en basses-tiges. Elle établit également des contacts avec les pays voisins, notamment l’Allemagne qui possède encore 400.000 hectares de prés-vergers, afin d’observer les méthodes de travail et d’envisager le développement de synergies. L’engagement de l’asbl dans la préservation des vergers hautes-tiges s’inscrit en outre dans le cadre d’un Plan Communal de Développement de la Nature et dans un objectif global de protection de l’environnement et de la nature.

Les Bocages asbl
Claudy Noiret
Chaussée de l’Europe, 114
5660 CUL-DES-SARTS

tél. : 060/37 77 35

Nature et Technique

Nature et Technique, dont nous avons déjà évoqué le projet de revalorisation des hautes-tiges auprès des agriculteurs, propose, chaque automne, la dégustation de 150 à 200 variétés de fruits, provenant de vergers de particuliers. Les personnes intéressées par la plantation d’un verger peuvent ainsi choisir les variétés en fonction du goût des fruits. L’association peut proposer jusqu’à 800 anciennes variétés de fruitiers : pomme, poire, prune, cerise et petits fruitiers.

L’association récolte des greffons chez les particuliers (elle en reçoit beaucoup spontanément) et fait réaliser, à ses frais, la culture par les pépiniéristes. La production ainsi réalisée est destinée aux particuliers.

Le Centre Régional d’Information sur l’Environnement de Modave

Le tout neuf Centre Régional d’Information sur l’Environnement de Modave bénéficie de deux vergers différents. Celui situé à l’extérieur du domaine entourant le château couvre près de 5 hectares et est propriété de la CIBE (Compagnie Intercommunale Bruxelloise des Eaux). La vigueur des peupliers plantés dans les années septante entre les fruitiers hautes-tiges a bien failli les étouffer. Heureusement, il y a quelques années l’exploitation des peupliers indésirables a sauvé la plupart des fruitiers. Les pommiers sont pour la plupart des Gris Braibant, pomme à jus. Les gestionnaires du verger souhaitent le compléter avec le même type de pommes, afin de produire du jus. Le verger installé à l’intérieur du domaine, par contre, produit essentiellement des pommes de table, dont certaines variétés datent de la fin du 19ème siècle. Cet ensemble deviendra un verger conservatoire. Nous retrouvons derrière ce projet, en collaboration avec les RNOB qui gèrent le CRIE, le Département de recherche dirigé par Marc Lateur, qui concrétise ici son projet de verger conservatoire «délocalisé». L’équipe pédagogique de ce Centre d’initiation à l’environnement proposera très bientôt une animation sur le thème «de la terre à la pomme».

CRIE de Modave
rue du Parc, 4
4577 MODAVE

tél. : 085/61 36 11

Les collectionneurs privés

Les collectionneurs privés sont très nombreux à s’intéresser à la préservation du patrimoine fruitier. Leur travail de terrain peut se montrer extrêmement intéressant, pourvu qu’il y ait échange et communication entre eux, avec les associations, les centres de recherche…

Les mesures agri-environnementales

Une des mesures agri-environnementales incite au maintien et à l’entretien des arbres fruitiers à hautes tiges dans les pâtures. Ces fruitiers à haute tige seront âgés d’au moins trente ans et plantés sur un espace herbeux permanent régulièrement entretenu par la fauche et (ou) le pâturage. L’exploitant s’engage, pour une période de 5 ans, à n’abattre aucun autre fruitier sur son exploitation, à n’utiliser aucun insecticide de synthèse et à limiter les traitements phytopharmaceutiques. La prime est plafonnée à 200 arbres fruitiers pour une exploitation.

Vergers et PCDN

L’objectif de tout Plan Communal de Développement de la Nature est de «préserver et améliorer la biodiversité (végétaux, animaux, milieu) en accord avec le développement économique et social des habitants, en sollicitant et en associant tous les acteurs locaux concernés.»

Le PCDN de Comblain a restauré un verger qui est intégré dans un parcours didactique.

Le groupe «vergers» du PCDN de Liège a réalisé un recensement des vergers existants sur le territoire de la ville, afin d’assurer la protection du patrimoine naturel et de montrer l’intérêt paysager de ces sites. Deux projets concrets de restauration l’occupent : la restauration du verger de «Favechamps», qui s’étend sur 2 hectares et compte 130 arbres, est déjà en cours : les replantations ont commencé depuis 1995, à raison d’une dizaine de fruitiers par automne. Un autre projet devrait débuter prochainement, pour un verger plus petit qui compte une cinquantaine d’arbres. Le PCDN organise des visites didactiques, des démonstrations de taille des arbres. Les fruits produits par ces deux vergers feront peut-être l’objet d’une valorisation à caractère promotionnel, sous forme de cidre ou de sirop. Des contacts sont pris également avec la «Ferme de la Vache» qui développe un projet de réinsertion sociale par des activités de maraîchage et qui dispose d’un magasin où sont diffusés des produits bio à prix réduit pour les personnes à faible revenu.

PCDN de Liège
Cellule Environnement de l’Echevinat de l’Environnement, du Tourisme et du Cadre de vie
Féronstrée 94-96
4000 Liège

tél. : 04/221 92 58

Ferme de la Vache asbl (tél. : 04/223 11 96)
113-115, rue Pierreuse
4000 Liège

Quelques photos extraites du dossier