Les Nitrates

Eau

Est-ce encore utile d’analyser son eau de consommation pour savoir si elle contient des nitrates ?

Nous insistons pour que tou·tes restent attentif·ves à cette question non résolue de la pollution des eaux par les nitrates et nous vous proposons un petit tour du problème.

Les nitrates, qu’est-ce que c’est ?

Dans le monde végétal et animal, l’azote (N) est un élément fondamental pour la formation des protéines, constituants essentiel de la matière vivante.

Il est présent dans l’air : 80% N2 (azote) et 20% O2 (oxygène). Mais peu de plantes se révèlent capables d’utiliser l’azote sous sa forme gazeuse.

Toutes les légumineuses (pois, lentille, trèfle .) présentent la particularité de fixer l’azote de l’air grâce à une association naturelle entre leurs racines et une bactérie fixatrice d’azote (Rhizobium).

Par contre, la plupart des plantes utilisent l’azote sous forme d’ion nitrate (NO3-) ou ammonium (NH4+). L’ion nitrate est la forme minéralisée stable (= solide) de l’azote, combinaison d’un atome d’azote avec trois atomes d’oxygène.

Les nitrates sont des éléments naturels présents dans les sols, les eaux et les légumes.

Le problème des nitrates réside essentiellement dans les quantités croissantes que l’on observe tant dans l’eau que dans les aliments.

Dose limite

L’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) recommande de ne pas dépasser pour un adulte une dose journalière admissible (DJA) de 3,65 milligrammes de nitrates par kg et par jour.

Pour un adulte de 70 kg, cela correspond à 255 mg de nitrates par jour. Mais le bébé n’est pas un adulte en miniature. Cette DJA ne peut donc être transposée au nourrisson !

Pour ne pas dépasser cette DJA, il ne suffit pas de prendre garde à la qualité de l’eau alimentaire. Les légumes, les fruits, le pain, les produits laitiers, les salaisons, les charcuteries contiennent des quantités plus ou moins grandes de nitrates. Jusqu’à 2.000 mg (deux grammes !) de nitratespar kilo pour certains légumes ! Selon la qualité de l’alimentation et la qualité de l’eau alimentaire, la DJA peut donc être rapidement atteinte.

Les nitrates, un risque pour la santé ?

Rappelons que les nitrates ne sont pas du tout assimilables par l’organisme.

Ils ne sont donc en aucun cas nécessaires dans notre alimentation.

Les nitrates présents dans les légumes résultent du mode de culture. Dans les fromages et les charcuteries, ils sont issus des additifs utilisés comme agents de conservation.

Oui, les nitrates représentent un risque réel pour la santé : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le confirme.

Une grande partie des nitrates absorbés s’éliminent par voie urinaire. Mais, dans le sang, une certaine quantité de nitrates peut se fixer à l’hémoglobine. Cela la rend ainsi indisponible pour la fixation et le transport d’oxygène vers les tissus. C’est la cyanose (coloration bleuâtre de la peau, provoquée par une oxygénation insuffisante du sang).

Dans le tube digestif, sous l’influence de diverses substances naturellement produites par l’organisme, les nitrates peuvent être transformés en éléments toxiques, identifiés comme cancérigènes par l’OMS.

À côté des maladies graves, existent des dérangements mineurs qui font que l’on ne se sent jamais en bonne santé !

Les normes légales

L’Arrêté du Gouvernement wallon du 10 novembre 2002 relatif à la gestion durable de l’azote en agriculture précise les modalités de la surveillance de la pollution par les nitrates.

A partir d’une teneur supérieure à 50 mg de nitrates (NO3) par litre, l’eau des nappes aquifères n’est plus aux normes de potabilité.

La valeur guide déterminée par l’Europe est de 25 mg par litre.

Établissant la situation de la pollution des eaux souterraines au mois de mars 2004, le site web de la Région wallonne indique : « La bonne qualité de nos ressources est menacée par le nitrate (10% des prises d’eau échantillonnées en 2000-2003 dépassent la norme de potabilité). On constate une tendance à la hausse des teneurs en nitrate, dont la cause est en grande partie climatique (ainsi les pluies fortes, en augmentation, influencent le lessivage des sols, entraînant les nitrates non utilisés par les plantes, vers les cours d’eau). Des mesures sont ou doivent être prises sur un cinquième du territoire wallon où sont concentrés trois quarts des dépassements de la norme. » source : http://mrw.wallonie.be/dgrne

L’eau de distribution

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Comme toute eau destinée à la consommation humaine, l’eau « du robinet » doit satisfaire à des normes fixées par la Directive européenne 80/778/CEE qui précise les valeurs à respecter pour 61 paramètres.

La Région wallonne a adapté sa législation en ce sens par son « Décret relatif à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine – Moniteur Belge du 14/01/2003 ». L’Arrêté d’application de ce décret, en cours de publication officielle, contient une norme pour les nitrates. La norme est de 50 mg/l et 0,50 mg/l. pour les nitrites. Les nitrites sont une forme voisine des nitrates dont la formule chimique est NO2-.

À tout moment, vous pouvez interroger votre société distributrice ou explorer leur site web pour connaître la teneur en nitrates de l’eau qui arrive dans votre habitation. Pour la connaître, consultez vos factures d’eau de distribution ou interrogez votre administration communale.

Les causes de la pollution des eaux

La pollution par les nitrates atteint tous les types d’eaux : les eaux souterraines (nappes phréatiques), les eaux de surface (rivières, fleuves) et les eaux côtières (mer du Nord).

Elle résulte de la combinaison de trois activités :

  • l’agriculture (engrais chimiques et lisiers);
  • l’industrie (laiteries, sucreries, industries agro-alimentaires);
  • les rejets ménagers (principalement les eaux de W.C.).

Une part importante de la pollution des eaux par les nitrates provient du secteur de l’agriculture.

La politique agricole européenne a conduit les agriculteurs à produire toujours plus, souvent au détriment de la qualité des produits et sans tenir compte des nuisances pour l’environnement.

Pour le cultivateur, cette production de haut rendement dépend de l’usage intensif d’engrais de synthèse. Ils fournissent principalement de l’azote sous forme minérale.

Or, tout ce que les plantes n’utilisent pas dans la période qui suit immédiatement l’épandage se mélange à l’eau des précipitations. Puis percole en profondeur (lessivage) et se retrouve dans les eaux de surface et plus tard dans les eaux souterraines.

Le problème de l’excès de lisier (déjections animales) résulte de la combinaison de deux facteurs :

  • l’augmentation de l’élevage bovin et porcin bien au-delà des besoins du pays avec l’importation de nourriture de l’étranger ;
  • le remplacement croissant de la fumure organique (fumier) par les engrais chimiques de synthèse.

Si la pollution d’origine agricole est inquiétante, celle d’origine industrielle et domestique n’est certes pas à négliger.

La Belgique, particulièrement la Wallonie, où se concentrent les réserves d’eau du pays, a donné un coup d’accélérateur à l’installation de stations d’épuration, poussée par l’Europe. Mais toutes les eaux collectées ne sont pas encore épurées, le dispositif d’épuration collective restant lourd et coûteux. Paradoxalement, les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires contribuent à la pollution « nitrates » des cours d’eau.

Les sous-bassins où la contamination par les nitrates est la plus importante sont ceux de l’Escaut-Lys, de la Senne, de la Haine, de la Sambre et de la Meuse (partie amont).

Le fait que l’amélioration de la qualité des cours d’eau laisse de côté la teneur en nitrates s’explique par le type d’épuration pratiquée en Région wallonne. Le plus souvent un traitement primaire et un traitement secondaire biologique permettant une réduction importante de la charge organique. Cependant, ils rejettent de l’azote et du phosphore sous forme minérale (solide) dans les cours d’eau.

Cependant, en 2001 l’ensemble du territoire wallon a été désigné en zone sensible. Ceci implique qu’à terme (fin 2005), un traitement tertiaire de dénitrification et de déphosphatation devrait s’implémenter dans toutes les stations d’épuration.

L’élimination des nitrates, que ce soit grâce à des mesures préventives (zones de protection, élimination des sources de pollution) ou curatives (traitement de l’eau captée) n’est pas encore effective. Elle coûtera cher à la Wallonie, mais aussi aux consommateurs. En effet, le coût de l’épuration étant inclus dans la facture d’eau distribuée).

Que puis-je faire ?

Le rôle de chacun de nous doit être abordé sous deux angles : celui du consommateur et celui du pollueur.

A propos de ma consommation :

  • Je cultive mon potager sans produits chimiques.
  • J’achète fruits et légumes produits en culture biologique.
  • Je limite salaisons et charcuteries et vérifie autant que possible leur traitement (sans nitrites) pour la conservation.
  • Je m’assure auprès de la société distributrice d’eau de la teneur en nitrate dans l’eau du robinet. . Je vérifie l’eau de source auprès de l’administration communale et l’eau de puits par analyse.
  • J’évite les eaux en bouteille : d’un bilan écologique négatif (transport, conditionnement, traitement .). Mais aussi d’un coût exorbitant (200 à 400 fois plus chère que l’eau du robinet). Elles ne sont pas toujours exemptes de nitrates et de nitrites.

Concernant les rejets des eaux usées :

  • J’utilise des produits d’entretien biodégradables et je diminue les quantités en utilisant l’eau de pluie (très douce).
  • Je ne déverse jamais dans l’évier de substances dangereuses (solvants, huiles, peintures, pesticides ..).
  • J’installe un lagunage et l’entretiens régulièrement (en zone non égouttable).
  • Et pourquoi pas opter pour une toilette à litière bio-maîtrisée (T.L.B.), ou toilette sèche, qui épargne les eaux de surface ?

La T.L.B. remplace l’eau par du broyat de branchages qui, se mélangeant aux déjections, neutralise les odeurs et permet le compostage du contenu de la toilette. Résultat : les matières organiques retournent à la terre dont elles sont issues sans passer par les eaux de surface. Tout est bénéfique pour nos cours d’eau et pour la couche d’humus du sol.