Inondations : après nous le déluge ?

La décennie qui s'achève a vu une Wallonie étanchéisée subir non pas une mais deux inondations, qualifiées l'une comme l'autre de «séculaires», sans compter d'autres naufrages moins mémorables ponctués de violents coups d'eau, phénomène aussi neuf qu'imparable. Trop facile de ne s'en prendre qu'au ciel. Les sources naturelles et humaines du problème des inondations sont multiples et connexes. Les Amis de la Terre remontent jusqu'à elles avant de relever les écueils d'une politique du tout à l'aval qui s'est révélée jusqu'il y a peu technocratique et à courte vue.

Dans ce numéro

– Dossier inondations

  • Histoires d’eau
  • Des pépins dans le futur ?
  • Des travaux « titaniques » au génie végétal
  • Pour une approche globale
  • Les crues c’est naturel
  • Les contrats de rivière : le courant passe
  • Tout en amont !
  • Eloge de la paresse
  • Fonds des calamités : l’Etat jette l’éponge
  • Sauve qui veut !

– La chrysope : une demoiselle en or
– La scorsonère : suave vipère

Un climatologue se mouille : «nous sommes tous des faiseurs de pluie»

Jean-Pascal Van Yperzele est un des hommes de Rio. Ce spécialiste des modélisations climatiques fait partie du très influent Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’Evolution de Climat (GIEC) créé par l’ONU en 88. Son premier rapport a provoqué la réunion de la conférence brésilienne.

L’homme est-il en train de changer le climat ?

«Rares sont ceux qui le contestent encore. En 96, le GIEC a conclu pour la première fois qu’«un faisceau d’éléments suggère qu’il y a une influence perceptible de l’homme sur le climat global». Pour nuancée qu’elle paraisse, cette phrase a eu un impact très important sur nos gouvernants. Elle a permis Kyoto.»

Faut-il croire au processus entamé à Rio ?

«Les volontaristes comme la Scandinavie ou l’Union Européenne sont rares et ils ne se sont pas donnés jusqu’ici les moyens de leurs ambitions. Ils en sont toujours, comme les récalcitrants, au stade des bonnes intentions. L’énormité des enjeux et les divergences d’intérêts des acteurs principaux freinent gravement un processus de négociations internationales par lequel il faut nécessairement passer. Pourtant le temps presse.»

Va-t-il pleuvoir plus ?

«La température moyenne de la terre va augmenter en surface (entre 1 et 3,5°C) plus rapidement qu’elle ne l’a fait à toute autre période depuis 10.000 ans. Les océans, en se réchauffant, vont envoyer plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, accélérant le cycle hydrologique. Les pluies devraient dès lors devenir plus abondantes en moyenne mondiale.»

Et en Belgique ?

«Difficile de répondre avec certitude en terme de localisation. L’accélération du cycle de l’eau provoquera davantage de sécheresses dans certaines régions et d’inondations dans d’autres. Un modèle climatique tridimensionnel intégrant des données relatives à l’atmosphère, les océans et les glaces sur lequel nous travaillons actuellement à l’échelle de l’Europe nous permet de penser que le Vieux Continent devrait connaître des hivers plus arrosés (une étude prévoit pour les Pays-Bas une augmentation de plus de 6% pour 2050) et des étés plus secs. Les cours d’eau devraient donc connaître des débits extrêmes plus fréquents, tant pour les périodes de basses eaux que pour les crues. L’élévation des températures pourrait aussi diminuer le volume des précipitations hivernales. Les hauts plateaux ardennais, moins couverts de neige, perdront une partie de leur efficacité comme régulateurs naturels de l’écoulement des eaux dans nos régions.»

Pas de solution dans l’immédiat ?

«Chacun peut limiter les risques d’inondation en oeuvrant à la base pour une utilisation plus rationnelle de l’énergie, qu’il s’agisse de faire pression sur nos politiques, de recourir aux énergies renouvelables ou tout simplement de s’abstenir de consommer. Je le répète à mes étudiants : “l’énergie la moins polluante, c’est celle qu’on n’utilise pas.”»

Susan George déclarait récemment que «le XXIème siècle sera celui des conflits de l’eau» (Les Inrockuptibles, n°178, décembre 98). Il ne faudrait pas attendre jusque là pour adopter un comportement en rapport avec sa vraie valeur, laquelle n’a rien à voir avec son prix lorsqu’elle sort du robinet.

Les inondations, c’est l’affaire de tous. Un postulat qui réclame, quel que soit l’endroit ou l’on réside, un mode de vie et un état d’esprit inscrits quotidiennement dans une perspective de développement durable.

L’utilisation rationnelle de l’eau passe par des mesures individuelles d’assainissement préventif (traitement sélectif des eaux usées, toilette sèche, récupération de l’eau de pluie – voir à ce sujet les n° 46 de cette revue et le cahier n°5 des Amis de la Terre) comme par une minimalisation de la consommation.

pour en savoir plus

– Dossier du CEFE (Centre d’Etudes et Formation en Ecologie), Les inondations en Région wallonne, n°4, septembre 1995 – tél (02) 22 58 48
– Les Cahiers de l’IRGT (Institut Royal pour la Gestion durable des Ressources naturelles et la Promotion des Technologies propres), Crues et inondations en Belgique dans le cadre de la gestion des bassins hydrographiques belges, n°1, juin 97- tél (02) 347 64 81
– GTIM (Groupe de Travail pour la prévention des inondations dans le bassin de la Meuse), Plan d’Action Inondations Meuse, 1998, éd. F.Hambye, av. Reine Astrid 9, 5000 Namur
– Secrétariat permanent du Contrat de Rivière Haute-Meuse, pl. Saint-Aubain 2, 5000 Namur – tél (081) 22 70 81 ext.615 (contact Michel Cohen)
– Secrétariat permanent du Contrat de Rivière Semois, Fondation Universitaire Luxembourgeoise (FUL), av. de Longwy 185, 6700 Arlon – tél (063) 23 08 52
– DGRNE, Direction Générale des Ressources Naturelles et de l’Environnement, Division de l’Eau, av. Prince de Liège 15, 5100 Jambes – tél (081) 32 12 11 – nombreuses publications, dispose des adresses des autres contrats de rivière
– Actes du colloque sur La gestion intégrée des cours d’eau : l’apport des techniques végétales, 1998, DGRNE, Direction des Cours d’eau non navigables – tél (081) 32 56 85
– DGATLP, Direction Générale de l’Aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine, rue des Brigades d’Irlande 1, 5100 Namur – tél (081)33 21 11
– M.E.T. Ministère Wallon de l’Equipement et des Transports, Direction Générale des Voies Hydrauliques, bd Simon Bolivar 30, 1000 Bruxelles – tél (02)208 41 36
– Inter-Environnement Wallonie, bld du Nord 6, 5000 Namur – tél (081) 25 52 80 Agricompost, Stiéniha 13, 4570 Marchin – tél (085)23 07 85
– Eco-Tec (génie végétal), rue Salzinnes les Moulins 99, 5000 Namur – tél (061) 46 91 61 Amis de la Terre Ardenne, Renée-Christine Bequet, La Cornette 57, 6834 Bellevaux – tél (061) 41 21 59